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Sud Santé Sociaux dans le Finistère
4 mai 2004

Un article de Philippe Pignarre sur la sécu

Il faut continuer à gérer collectivement l'assurance maladie, mais avec plus de transparence.
Sécurité sociale, la chance du déficit

Par Philippe PIGNARRE

par Philippe Pignarre, ancien cadre de l'industrie pharmaceutique, éditeur des «Empêcheurs de penser en rond»

mardi 04 mai 2004

 

uand on demande : qu'est-ce qui ne va pas dans notre système d'assurance maladie ? La réponse est toujours : 10,6 milliards d'euros de déficit en 2003 et un peu plus en 2004. Ce pourrait pourtant être là non pas un sujet d'affliction mais bien plutôt de réjouissance. Car lorsque l'on pose la même question aux Américains, la réponse est toujours : 43 millions de personnes qui n'ont pas de couverture maladie. Dans un cas, la «variable d'ajustement» est financière, dans l'autre elle ne se mesure qu'en termes d'exclusion sociale.

Nous dépensons sans doute trop peu pour notre assurance maladie : 9,5 % du produit intérieur brut. Il faut donc se faire à l'idée que ce ratio augmentera dans les années à venir même s'il n'atteindra pas forcément le chiffre de 17 % prévu aux Etats-Unis pour l'année 2015. Tout le problème est de savoir comment seront financées ces nouvelles dépenses et ensuite comment elles seront réparties et gérées. Mais c'est la réponse à la seconde question qui permet de mieux répondre à la première.

Il semble qu'un accord général existe sur le fait que nous dépensons, par exemple, trop en médicaments. Chaque Français dépense trois fois plus qu'un Néerlandais pour des résultats qui ne sont pas meilleurs et qui induisent sans doute beaucoup d'effets pervers : plus de 130 000 hospitalisations par an, entre 15 000 et 18 000 morts ! Si notre dépense en médicaments s'alignait sur celle des Pays-Bas, nous économiserions près de 14 milliards d'euros par an. Il faut bien constater que les médecins français n'ont pas pu, ou su, résister à la pression considérable de l'industrie pharmaceutique et nous devons trouver les moyens de les aider pour que cela change.

Parallèlement, nous dépensons bien trop peu pour notre système hospitalier et pour la rémunération des personnels de santé, toutes catégories confondues.

Mais l'avantage extraordinaire de notre système est qu'il nous permet justement de savoir combien nous dépensons, où et comment nous investissons. Il permettrait de faire des choix et de les soumettre à l'approbation du public à la différence de ce qui se passe quand les assurances privées deviennent des acteurs essentiels. Les réallocations de ressources sont possibles.

Pour cela, le système a besoin du maximum de transparence et de démocratie : il est impensable que les élections aux conseils d'administration de la Sécurité sociale n'aient pas eu lieu depuis vingt et un ans. Il est désolant que les réunions des commissions de l'Agence du médicament se déroulent secrètement sans que les journalistes puissent y assister. Il est inadmissible que le gouvernement mène des négociations secrètes avec les industriels du médicament (sur les prix et sur les déremboursements) en sachant que c'est la Sécu qui paiera !

Que penser des déremboursements en cours qui ne concernent que des médicaments sans brevets alors que l'on rembourse de nouveaux médicaments (brevetés) à des prix trente-cinq ou cent fois plus élevés sans qu'ils aient souvent fait la preuve d'une meilleure efficacité ?

Si la réforme consiste à «cantonner» les dépenses de santé en leur interdisant toute augmentation (la fin du déficit) et que l'on confie toutes les augmentations à venir aux complémentaires (assurances ou mutuelles), alors nos dépenses de santé s'envoleront et deviendront vraiment incontrôlables. On passera progressivement dans un nouveau système : toutes les sommes que nous dépenserons pour notre santé ne seront plus mutualisées entre tous mais deviendront un enjeu financier avec des actionnaires réclamant les profits les plus élevés possibles. On pourra alors dépenser 15 ou même 17 % de notre produit intérieur brut en soins de santé pour leur plus grand plaisir. Mais nous ne saurons plus comment faire des choix collectifs. C'est la démocratie qui aura reculé.

Quant aux nouveaux prélèvements nécessaires, ils seront dans la logique du choix de gestion qui sera fait : si on continue à vouloir gérer collectivement l'assurance maladie, alors il faut continuer à prélever en fonction des moyens de chacun. Dans un système dominé par les assurances privées, on sera, à l'inverse, amené à cotiser en fonction des risques dont on veut (ou peut) se protéger. C'est le monde dans lequel on vit qui aura changé.

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